Mon enfant souffre... Quelle horreur ! Comment l'aider vraiment ? de Marina Blanchart
Quand on devient parent, on a la chance de découvrir en même temps le bonheur de tenir dans ses bras un trésor à chérir et la difficulté à souffrir pour un autre presque plus que pour soi-même…
On voudrait ne lui réserver que le bien-être, le bon, le meilleur et la vie ne nous le permet pas vraiment… Elle va mettre sur sa route des défis de taille : la sensation de faim, alors qu’il ne connaissait que la satisfaction à ce niveau, les désagréments d’odeurs ou de sensations plus ou moins douloureuses depuis la couche bien pleine jusqu’à la première piqûre et s’en suivront de bien pires. Et progressivement, aux défis physiologiques s’ajouteront ceux plus psychologiques, l’absence des parents, la séparation, la sensation de ne pas être toujours reconnu, la peur , la tristesse, la colère… Ces émotions qui, au-delà des sensations qui les génèrent, font de nous des êtres humains bien sympathiques !
Et les parents, là-dedans ?
Les parents vont apprendre en même temps comment on accompagne son enfant quand il souffre un peu, beaucoup, passionnément ou à la folie parfois… et sur ce chemin, il y a différentes manières de réagir plus ou moins efficaces pour l’aider.
L’aider ? Qu’entendons-nous par là ? Lui permettre de moins souffrir ou lui apprendre à traverser la souffrance ?
Quand Julie est triste de voir Manon, sa copine de classe de maternelle déménager et partir loin, comment sa maman peut-elle le mieux l’aider ?
Si Maman la console et lui propose de penser à autre chose, d’aller jouer un jeu ensemble, juste « toi et moi », pour ne plus pleurer sur le départ de Manon et que cela lui change effectivement les idées. C’est parfait ! Julie apprend que face à de petites tristesses, on peut se distraire et que la distraction est donc une solution efficace pour palier à une douleur émotionnelle.
Si Maman tente la carte du jeu et de la distraction, mais que Julie, pendant le jeu ou après, voit sa tristesse réapparaître et que Maman, par ses consolations, n’obtient rien, un changement de stratégie parentale semble indispensable ! C’est une douloureuse, mais magnifique occasion de lui apprendre à traverser sa tristesse.
La maman de Julie peut alors lui proposer de prendre un moment pour Manon à chaque fois que Julie se sent triste dans son cœur, de choisir un endroit et de s’y blottir, de penser à Manon ou de lui faire un dessin qui dit combien elle va lui manquer.
Accueillir l’émotion, lui donner du temps et apprendre à son enfant à le faire lui permet de devenir plus fort, lui permet de gagner une confiance en lui, car il pourra se dire qu’il est capable de l’affronter. Pouvoir se dire : « je suis capable de survivre à la souffrance », n’est-ce pas une force extraordinaire à construire chez nos enfants dès leurs premières expériences émotionnelles ?
Pierre a peur : il a 11 ans et il a très peur de son changement d’école à venir. Il pense que ce sera difficile de se faire de nouveaux copains et qu’il pourrait se perdre dans ce collège tellement grand… Quand il en parle ses parents le rassurent assez logiquement, « nous aussi, on avait peur, mais ça s’est bien passé ! » et Pierre se dit : « oui, mais c’est différent maintenant ! Vous ne vous en rendez même pas compte ! », à sa maman qui répète : « Tu ne seras pas le seul ! Tu te feras des amis très vite ! », il répond que ce n’est pas du tout certain et qu’il n’osera pas aller vers les autres… et en défendant, ses bonnes raisons d’avoir peur, il sent la peur qui grandit à l’intérieur comme une boule dans son ventre…
Quand une maman rassure son enfant, cela peut avoir des résultats fantastiques, car quand il s’agit d’une inquiétude, d’une petite peur, des propos rassurants fonctionnent et permettent immédiatement à l’enfant de moins souffrir et de passer au-delà de sa peur, mais quand il s’agit d’une peur plus viscérale, plus proche de l’angoisse, nos réassurances ne donnent pas le même résultat, on peut même observer que la peur revient et grandit doucement…
Comment alors aider nos enfants dans ces situations de peur, d’angoisse ou de trouille ?
Peut-être simplement, en leur demandant de quoi ils ont peur exactement ? Ce qui pourrait se passer mal et comment réagiront-ils si cela se révèle réel ? Leur permettre de mieux connaître l’objet de la peur pour pouvoir mieux l’affronter, pour être plus fort pour l’affronter, pour s’armer éventuellement…
Pierre peut expliquer qu’il a peur d’être seul dans la cour. « Je comprends que cela te fasse peur, tu ferais quoi si c’était le cas ? » A cette question, toute simple, il peut trouver des réponses au cœur de ses propres ressources : « je regarderais si quelqu’un d’autre est seul et j’irais lui parler. » D’accord, et c’est là que réside la difficulté, chers amis parents, il va falloir être un peu cruel pour aller au bout de la peur : « et si personne d’autres n’est seul ? », ce serait plus facile de dire immédiatement, « Super ! Tu as une solution alors ! », mais le risque immédiat est que la peur revienne toute seul lui susurrer à l’oreille la question que vous n’auriez pas eu le courage ou l’envie de lui poser… Mieux vaut y aller à fond et lui permettre même d’imaginer des récréations où la solitude sera sa compagne et comment il pourra la gérer. Cela fait du coup peur aussi aux parents, mais pour leurs enfants, ils sont capables de tous les courages.
La discussion pourra ainsi se poursuivre et on peut même proposer qu’à chaque fois qu’il a peur, Pierre, prenne le temps de laisser venir ses peurs. L’idée n’est pas seulement de trouver des outils pour y faire face, mais d’aussi pouvoir accepter que, parfois, on ait de sales moments à traverser et qu’il y a un après.
Permettre à nos enfants d’affronter leurs peurs, c’est les rendre plus forts, c’est leur apprendre à être courageux, à faire les choses malgré la peur mais aussi à se préserver en écoutant si la peur nous murmure qu’il y a danger imparable ou danger « traversable »…
Pour le parent, voir son enfant souffrir donne évidemment envie de l’en préserver, mais n’est-il pas encore plus adéquat et important de lui donner la force et la confiance qui le feront être capable d’affronter les moments difficiles que la vie ne manquera pas de mettre sur sa route ? Lui demander de faire face à son émotion, c’est lui dire qu’il en est capable ! Et c’est arroser sa confiance en lui… Alors, à vos arrosoirs !