Arrêter la cigarette… avec ou sans hypnose ! Yasmine Canas Arrêter de fumer : comprendre l’addiction pour mieux s’en détacher
« Bonjour, j’ai pris RDV pour une séance d’hypnose pour l’arrêt de la cigarette. »
Julie (nom d’emprunt), 37 ans.
Elle prend RDV chez moi afin de pouvoir arrêter la cigarette via une séance d’hypnose.
En tant que thérapeute bref, utilisant divers outils dont l’hypnose éricksonienne, les demandes d’aide pour arrêter de fumer sont fréquentes.
C’est un bel objectif, maintenant « on a toujours une bonne raison de faire ce qu’on fait », chaque action est motivée par une logique ou une émotion. Si aujourd’hui Julie fume, c’est qu’elle a une bonne raison. Donc, une séance d’hypnose pour l’arrêt de la cigarette peut fonctionner. Néanmoins, je propose autre chose avant.
Julie a déjà réussi à arrêter de fumer, il y a de cela plusieurs années, à cette époque pour deux raisons : pour une question financière et pour préparer une future grossesse, deux bonnes raisons suffisamment motivantes pour, à cette époque, pouvoir y arriver.
Depuis quelques années, Julie traverse une période difficile, marquée par des pressions liées au travail, à la vie familiale et un événement traumatisant : une inondation, ce qui a augmenté son stress. Dans ce contexte, Julie a recommencé à fumer ! Logique, car dans sa boîte à outils personnelle, la cigarette est une des solutions face à ce qu’elle vit de difficile, l’ayant aidée dans le passé comme dans ces deux dernières années.
Aujourd’hui, Julie vient chez moi avec un objectif clair : arrêter de fumer. Encore une fois, elle a de bonnes raisons d’arrêter : l’odeur désagréable, une mauvaise haleine, le budget, l’image qu’elle renvoie aux autres, sa santé et l’état de sa peau. Mais, encore une fois, elle a également de très bonnes raisons de continuer de fumer : le stress persistant, une vie à 1000 à l’heure, son travail, ses enfants… Malgré trois tentatives pour arrêter seule, ça ne marche pas ! Une partie d’elle lui dit « arrête », mais une autre partie d’elle lui demande de continuer.
Nous sommes donc en juillet, et Julie me demande de lui faire une séance d’hypnose. Je lui réponds « ok, mais pas aujourd’hui ». Je prends d’abord le temps de lui parler des émotions et de leur rôle. Je lui parle donc des 4 émotions de base : le plaisir, la peur, la colère et la tristesse.
Ensuite, nous avons discuté de ce qu’est une addiction. Selon l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé), l’addiction est "un état de dépendance périodique ou chronique à des substances ou à des comportements". Mais cette définition ne nous éclaire pas sur la manière dont une addiction fonctionne.
Évidemment, nous ne rentrons pas tous dans une addiction de la même manière. Toutefois, je lui partage ma propre théorie.
D’abord, nous entrons souvent dans une addiction par le plaisir que cela procure. Dans le cas de la cigarette, cela peut être un moment pour « faire une pause », un instant pour soi, un moment social partagé avec d’autres.
Ensuite, nous utilisons également ce plaisir afin de « gérer » une émotion dite négative, un moment pas facile, pas confortable, pas agréable, ou un moment de stress. Fumer devient une réaction à une mauvaise nouvelle, afin de se réconforter, dans le but de fuir le moment ou encore de prendre le temps pour une décision compliquée.
De plus, avec le temps, ce plaisir devient une routine, une habitude ancrée dans des moments clés : la cigarette du matin, celle après le repas, ou encore en soirée, souvent par simple réflexe.
Et enfin, les moments de vide où l’on s’ennuie deviennent également propices à entretenir notre addiction. Fumer devient une manière d’utiliser un moment « OFF », où nous avons l’impression que rien ne se passe pour s’offrir une forme de satisfaction rapide : « Allez, vite, 5 minutes pour moi, je vais fumer une petite cigarette ».
Je demande à Julie de mener une enquête durant ses prochaines semaines sur sa consommation de cigarette : chaque cigarette procure-t-elle le même plaisir ? Est-ce que cette cigarette est plutôt de l’ordre de l’habitude, un moyen d’occuper l’ennui, ou une gestion d’émotion désagréable ? Je lui demande également de continuer à fumer, et en parallèle de réfléchir à ce qu’elle aurait pu faire à la place de fumer cette cigarette.
En septembre, Julie revient et m’annonce ne plus fumer.
L’approche systémique a permis à Julie de comprendre comment son addiction fonctionnait. La posture d’observation a été l’occasion d’une prise de conscience et de recul qui ont changé sa relation à la cigarette.
Certaines cigarettes étaient de l’ordre du plaisir, d’autres pour gérer une émotion perçue comme négative, d’autres par pure habitude, et d’autres par ennui. En prenant conscience de ces mécanismes, Julie a pu remplacer la cigarette par d’autres actions.
En tant que thérapeutes brefs, notre rôle est de comprendre nos patients et de leur proposer une thérapie personnalisée. Parfois ça marche rapidement, parfois nous avons besoin de plus de temps. Quoi qu’il en soit, nous offrons une approche sur mesure.
Yasmine Canas